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critique

Un Voyage en Birambie


Peintures, assemblages, collages, tissus, lithographies, quels que soient  la technique ou le domaine par où on aborde le travail polymorphe de Colette Birambo, les mêmes impressions s’imposent :

Impression de mobilité tout d’abord, comme une constante invitation au voyage : ni reprises ni répétition, pas de signes ou de thèmes vraiment récurrents d’une série à l’autre, et pourtant une indéniable parenté dans la vivacité du traitement et de la couleur.

Impression d’immédiateté, tout autant : sans histoire et sans discours, tout “fait signe” dans l’instant de sa découverte, nous installant dans l’éternel présent de la rencontre.

Impression enfin de pur plaisir, à y lire la jubilation d’une découverte, et à goûter la jouissance toute païenne de la couleur qui l’irradie.



La diversité des formes, celle des signes empruntés à toutes les cultures du monde comme celle des techniques expérimentées par l’artiste (qui cultive une sorte de “nomadisme technique”) témoignent de son insatiable curiosité, et, par le déplacement constant qu’elles supposent et l’infinité des situations nouvelles qui en résultent, suggèrent une attitude d’exploration géographique comparable à celle de ces premiers navigateurs océaniens qui parcoururent et reconnurent par petits bonds d’île en île l’immense Pacifique. Ce qu’il nous reste d’eux pour témoigner de leur périple, ces merveilleux objets dressés que sont leurs cartes des courants entre les îles, faits de cauris reliés entre eux par une vannerie à la fois délicate et rigide, pourraient bien être l’image emblématique du travail de Colette Birambo.

Ce n’est pas le travail du temps d’un terrien, d’un paysan qui creuse son sillon, mais celui d’un marin qui explore la surface du monde : celle des mers à la rencontre de côtes nouvelles,  celle des  plages où le monde entier dépose les fragments mystérieux de ses merveilles lointaines.

Les notions de découverte et de rencontre sont déterminantes pour l’artiste, et doivent être prises au sens fort : découvrir lumières, objets, signes, matières, c’est se voir révélé, mais aussi en révéler une vérité jusqu’alors invisible, lui retirer sa gangue ou le brouillard d’habitude qui l’obscurcissait, en briser la chrysalide; ainsi de la matière, à laquelle une lumière nouvelle, comme celle des tropiques pour Colette Birambo, confère une sorte de surréalité, en faisant un signe du corps.

Quant à la rencontre, elle constitue le moteur même de son travail tant au point de vue psychique que technique, puisque celui-ci est régi par le principe du rapprochement inopiné d’éléments étrangers les uns aux autres, par “collages ou “assemblages”,qui en révèle un aspect inattendu, les transformant en signes nouveaux.


Mais ces instants fulgurants de la rencontre, dont nous bénéficions à notre tour en les découvrant, pour avoir fait table rase des passés singuliers et se situer délibérément hors de toute histoire, nous placent hors du temps, nous soumettant à leur urgence et à leur présent éternellement renouvelés.

La mobilité elle-même, l’être ici et ailleurs, est en lutte contre le temps, pour la liberté contre l’irréversible et le destin. Contre un immobilisme qui nous réduirait à l’état de pure dépendance, elle est aussi vitale que l’air que nous respirons.


Le développement d’une œuvre par déplacement correspond donc chez Colette Birambo plus qu’ à une exploration, à une conquête de son propre territoire, qui passe par le corps, la lumière et la couleur.


Bernard Pierron, décembre 2001



Colette in Wonderland


À Paris,


lorsque la pierre se fend et que l’étoile persiste,

le commun se retire au coin de ses téléviseurs pour gloutonner au chaud ses fictions en conserve. L’hiver, en s’installant, lui fait presser le pas.


Colette sort alors de chez elle.


Elle muse dans les rues familières, tout juste libérées par la saison complice.

Le petit soleil magique de l’hiver réveille les féeries engourdies entre pavés et rigoles.


Paris sourit.


Foin, pour le moment, des équipées lointaines aux spectacles superlatifs.

C’est une échappée belle qu’offrent les rues du Faubourg.

Mais sans prévenir, entre deux découvertes, la secousse des pavés inégaux réveille les images perdues de ses lointains voyages : sans façons, elles s’invitent dans cette farandole.


Colette est sage, reste au village : elle traverse juste son wonderland pour se rendre à son atelier…


Bernard Pierron, mars 2008